Les finalités
de l'éducation nationale
Les dimentions de
l'enseignement religieux à l'école publique
Les finalités
de l'éducation nationale appliquées à l'enseignement
religieux
Un enseignement pour
tout l'être humain
Les représentations
préalable des élèves
Les instructions ministérielles de
1985, 1995 et 1999 concernant les enseignements à l'école
élémentaire, au collège et au lycée insistent
sur les trois grandes finalités suivantes par ordre de priorité
:
Le cognitif et l'intellectuel sont prioritaires dans l'Education Nationale alors qu'ils seraient plutôt placés en troisième position dans le projet éducatif de l'Eglise. L'Eglise est l'assemblée de tous les croyants parmi lesquels l'Evangile est prêché fidèlement et les saints sacrements administrés. Conformément à l'Evangile, "vivre sa foi en communauté" constitue donc la finalité prioritaire d'un projet pédagogique ecclésial. Cette finalité relance en partie le "vivre en démocratie" prôné pa l'Education Nationale dans tout ce qui concerne le rapport à l'autre. Elle s'en démarque lorsque l'Eglise se préoccupe du rapport à l'Autre. "Apprendre à communiquer" peut se comparer à "témoigner de l'Evangile". Néanmoins le témoignage évangélique contient un aspect "service diaconal" qui n'a pas sa place dans l'"apprendre à communiquer" de l'Education Nationale.
Les projets éducatifs de l'Eglise et
de l'école publique présentent donc des points communs et
des spécificités. A partir de là, il devient possible
de penser un enseignement religieux qui respecte le cadre de l'Education
Nationale. Cet enseignement ne sera ni contradictoire, ni superposable
au projet éducatif de l'Eglise.
LES DIMENSIONS DE L'ENSEIGNEMENT RELIGIEUX
A L'ECOLE PUBLIQUE
LA DIMENSION CULTURELLE
Cette première dimension concerne la
connaissance et le décryptage des discours religieux et des modes
de célébration. On y étudiera aussi des énoncés
sur le Divin et l'Humain contenus dans la Bible ou le Coran, etc... L'apprenant
acquiert des savoirs comme, par exemple, l'existence universelle de rites
à la naissance (le baptême ou la circoncision) et aux grandes
étapes de la vie, les récits de création, la destinée
humaine selon telle ou telle religion... Il développe également
des savoir-faire comme, par exemple, différencier un mythe d'un
récit historique, repérer un discours sectaire... Cette dimension
culmine dans l'accès au sens des discours et des modes de célébration.
LA DIMENSION ETHIQUE
Cette deuxième dimension invite l'élève
à se situer par rapport aux valeurs fondamentales qui structurent
le champ de
l'éthique : le bien et le mal, la
liberté et la loi. L'apprenant connaîtra et analysera les
différences entre loi sociale, loi morale et loi religieuse. Il
abordera des questions comme "le péché existe-t-il ?", "Que
signifie avoir besoin d'être sauvé ?", etc... Ce travail favorisera
les prises de position personnelles. Il aboutira à la compréhension
des significations symboliques des
comportements éthiques (Est-ce que
j'agis pour faire le bien ; pour plaire aux autres ; parce que je crois
que Dieu me
regarde ...?) Enfin, cette dimension débouche
sur des engagements concrets dans des projets en faveur d'autrui.
LA DIMENSION DU SENS
Cette troisième dimension permet à l'élève d'aborder les grandes questions humaines sur le sens de la vie et de la mort, les réactions face au mal et à la souffrance, etc. Il s'agit de donner un lieu aux enfants et aux adolescents où ils peuvent légitimement poser les questions qui portent sur le sens de la vie humaine. L'élève se familiarisera avec les réponses des grandes religions, en particulier le protestantisme à des questions telles que : "Y a-t-il quelque chose au-dessus de moi ? Dieu existe-t-il ? En quoi les doctrines de la réincarnation, de la résurrection, ou de la disparition post mortem ont-elles nourries la spiritualité des êtres humains (savoirs) ? L'enseignement favorisera l'émergence d'une pensée personnelle dans ce domaine (savoir faire). Il va de soi que cet enseignement proscrira toute tentative de prosélytisme et développera un comportement de respect vis à vis des différentes options personnelles (savoir être).
Ainsi les élèves bénéficieront
d'un lieu public où débattre de questions d'ordinaire reléguées
dans la sphère privée et repoussée jusqu'au programme
de philosophie en terminale.
LES
FINALITES DE L'EDUCATION NATIONALE APPLIQUEES
A L'ENSEIGNEMENT RELIGIEUX
Les trois dimensions de l'enseignement religieux s'inscrivent naturellement dans le cadre fixé par les finalités de l'Education Nationale.
APPRENDRE A PENSER ET A COMMUNIQUER
La dimension culturelle
1 Raisonner sa propre tradition religieuse
2 Développer l'intérêt
pour la connaissance des religions
3 Accéder aux grands systèmes
symboliques de l'humanité
Quelques exemples :
1 La vie de quelques témoins
du protestantisme
Géographie du protestantisme
contemporain
la culture biblique dans le
vocabulaire, l'art, la publicité, les médias
2 Les fêtes religieuses où
les enfants reçoivent des cadeaux
La vie religieuse d'adolescents
dans différentes régions du monde
3 Les aspects rituels des grands comportements
collectifs (religion, sport, audiovisuel...).
Par comparaison, en paroisse il s'agirait deLa dimension éthique1Célébrer Dieu
2Développer l'imagination spirituelle
3Intégrer la dimension spirituelle dans sa propre hiérarchie de valeurs
1 Connaître les liens entre foi
religieuse et comportement éthique dans les grandes religions
2 Résoudre des problèmes
éthiques
3 Réfléchir aux fondements
des comportements éthiques de manière à pouvoir argumenter
une prise de position personnelle.
Quelques exemples :
- la vie de quelques croyants
- les points de repère bibliques dans
la réflexion éthique
- lien entre comportement éthique
et destinées humaines dans différentes religions
- les différents choix éthiques
à partir de situations concrètes de la vie en société
- l'éthique dans la vie scolaire (vérité
et mensonge, respect des autres, etc.)
Par comparaison, en paroisse il s'agirait deLa dimension du sens1 Participer à des actions d'entraide et de solidarité
2 Découvrir le rapport entre Evangile et actions diaconales
3 Différencier les comportements éthiques universels de ceux spécifiquement protestants
1 Connaître les réponses
de sa tradition religieuse par rapport aux grandes questions humaines
2 Analyser les fondements des grandes
actions collectives dans le domaine religieux
3 Favoriser l'ouverture personnelle
sur la transcendance et les questions ultimes.
Quelques exemples :
1 les fascinations humaines : le pouvoir,
l'argent, la gloire...
les grandes promesses évangéliques
: la liberté, le pardon, la paix...
les émotions qui assaillent
l'être humain : l'amour et la haine, la joie et la peine, la peur
et la sérénité...
2 le fondement des grandes organisations
collectives (la mission, la Cimade, l'Alliance Biblique, Oikocredit...)
motivation des équipes
à l'oeuvre dans les grands organismes religieux
conceptions de Dieu et de l'humain
véhiculé par les œuvres collectives du christianisme
3 Répondre de façon argumentée
et personnelle à des questions telles que :
Qu'est-ce qui est vraiment essentiel
?
Y a-t-il quelque chose au-dessus de
l'humanité ?
APPRENDRE A VIVRE EN DEMOCRATIE
Dimension culturelle et dimension éthique
- initier à la différence religieuse
- promouvoir le respect des croyances
- éduquer aux valeurs communes des
grandes religions
Quelques exemples :
- initiatives des religions dans le domaine
de la paix
- les religions vues les unes par les autres
- les persécutions religieuses
Dimension du sens
- rendre public le débat sur la transcendance
et les questions ultimes
- apprendre à conjuguer conviction
et tolérance
- permettre au débat démocratique
de nourrir l'approche personnelle sur les dimensions ultimes de
l'existence.
La religion concerne l'ensemble de la personne humaine dans toute sa complexité. Pour respecter cette réalité, l'enseignement religieux sera multiforme.
PROPOSER A L'ELEVE DES COMPETENCES MULTIPLES
L'élève acquiert à l'école des savoirs des savoir-faire et des savoir-être. L'enseignement religieux n'échappe pas à cette règle. Dans le domaine culturel, la partie concernant les connaissances s'élabore relativement facilement même si la sélection des priorités demeure délicate, en particulier le rapport entre l'"historique" et le "contemporain". Le contemporain ne se limite pas à "questions actuelles". Ainsi, un film est une oeuvre contemporaine mais il peut permettre une étude historique. Deux films à succès de la série "Indiana Jones", par exemple, peuvent servir de base à l'étude de plusieurs textes de la Bible.
Dans le domaine de l'éthique, le savoir-être semble prioritaire même si dans ce domaine le postulat "enseigner sans endoctriner" pose de redoutables défis. Sachant qu'il n'est pas possible de ne pas influencer, il faut favoriser tout ce qui permet l'émergence d'un comportement personnel réfléchi et autonome.
Dans le domaine du sens, le lien étroit entre connaissances, compétences et comportements est plus évident puisqu'un élève ne peut s'ouvrir à quelque chose qu'il ignore. L'ouverture aux questions ultimes constitue un savoir-être (comportement) mais elle inclut nécessairement des connaissances et des compétences. Les savoirs et les savoir-faire ne précèdent d'ailleurs pas obligatoirement les savoir-être. Une étude religieuse sur la violence peut s'introduire à partir du sens de l'histoire de Caïn et Abel et être conclue par des connaissances portant sur "la paix de Dieu au Moyen Age, l'Edit de Nantes, la conférence mondiale des religions pour la paix"...
L'aspect savoir-faire de l'enseignement est
à développer également dans le domaine de la culture
et celui de l'éthique car il semble plus nécessaire que jamais.
Voici quelques exemples de savoir-faire à
acquérir dans le domaine religieux
- repérer les sectes dans leur discours
et leur culte
- apprendre à communiquer ses convictions
en respectant celles des autres
- différencier les différents
types de discours religieux.
ADAPTER LE SAVOIR UNIVERSITAIRE
Pour permettre cette prise en compte globale
de l'humain, la matière de l'enseignement religieux doit être
présentée dans sa globalité. Le découpage universitaire
qui est légitime dans la recherche n'est pas toujours pertinent
dans ce cadre. Un programme d'enseignement ne peut pas simplement être
le décalque des catégories universitaires. Ainsi, la segmentation
Ancien Testament, Nouveau Testament, Histoire, Grandes religions et questions
contemporaines n'est pas toujours immédiatement adaptable aux objectifs
généraux précédemment définis. Cela
ne signifie pas que l'enseignement doive s'exiler loin de l'université.
Il s'agit, au contraire, de puiser dans la recherche tout ce qui est nécessaire
pour l'élaboration des contenus. Ainsi, un sujet tel que "la bagarre"
traité à l'école élémentaire peut faire
appel à l'exégèse de l'Ancien et du Nouveau Testament,
à l'histoire du christianisme, à l'étude comparée
des religions et à l'éthique. Après avoir rédigé
un objectif général qui fasse appel à toutes ces disciplines,
le pédagogue créera un nouveau découpage tenant compte
des dimensions de la matière (culture, éthique, sens) et
des trois domaines d'acquisition (savoirs, savoir-faire, savoir-être).
TEMOIGNER SANS ENDOCTRINER
Le religion est un domaine où personne
n'est tout à fait neutre et objectif. Par ailleurs, l'enfant a besoin
de côtoyer des adultes qui croient en ce qu'ils font. L'enseignant
a donc le droit d'avoir des convictions personnelles mais il a le devoir
de respecter (et de faire respecter) la diversité. Cette exigence
rend la tâche de l'enseignement en religion très délicate.
Dans ce domaine, il est possible de s'inspirer de ce qui se passe en philosophie
où l'enseignant a par définition des convictions
personnelles qu'il peut divulguer, mais présente
avec autant de compétence les options qui ne sont pas les siennes.
Les enfants, mais surtout les adolescents,
ont une représentation hybride du religieux, mélange de dévalorisation,
de fouillis et de questions fondamentales.
LA DEVALORISATION DES INSTITUTIONS RELIGIEUSES
Il n'y a plus de socialisation religieuse et les adolescents comme les adultes n'ont aucune idée de l'évolution de la pensée protestante. Bien qu'à priori il n'y ait en général aucune hostilité à l'égard des représentants des institutions religieuses, le adolescents ont tendance à penser que les pasteurs et les catéchètes ont une pensée à part, qui n'est pas du tout en phase avec la vie réelle. Ils font en quelque sorte de la résistance passive. Considérant le religieux comme quelque chose d'à part, ils écoutent le discours religieux mais sans l'intégrer, c'est à dire sans considérer que cela puisse les aider dans leur quête sur le sens de l'existence. Cette dévalorisation est multipliée par les difficultés de l'institution scolaire. Les élèves sont saturés par des enseignements incontournables auxquels ils n'accordent peut être pas plus de valeur existentielle qu'il ne le font pour la religion mais auxquels ils ne peuvent se dérober.
Pour répondre aux finalités
éducatives dans le domaine du sens, il faudra donc surprendre l'élève
pour casser son a priori d'indifférence. Tel Jésus qui privilégia
la parabole sur le discours doctrinal, on pourra utiliser un langage indirect
de façon générale. Il s'agit de puiser largement dans
toutes les possibilités offertes par la pédagogie moderne
en variant systématiquement les activités proposées
aux élèves et en utilisant largement le jeu et la fiction.
L'INVASION DU RELIGIEUX
Notre société est saturée
de religieux de manière tout à fait erratique et les adolescents
sont particulièrement réceptifs à ce foisonnement
(le "religieux profane", les grands messes sportives ou autres) qui rythme
l'actualité. Le religieux est abondamment utilisé au cinéma
et dans les autres médias (conquête du graal, etc...), parfois
de façon tout à fait juste (cf. notre document sur Indiana
Jones). Phénomène plus récent, le religieux non spécifiquement
chrétien se diffuse de plus en plus
dans les médias. Le adolescents flirtent
avec la réincarnation, le mystère et naviguent sans cesse
aux frontières du réel. Enfin, les sectes agissent de manière
plus ou moins ouverte et jouent avec l'inculture religieuse.
Les finalités éducatives dans
le domaine religieux devront tenir compte de ces constats. Les élèves
auront l'occasion d'ordonner ce religieux diffus pour le replacer dans
une perspective plus large. Le programme permettra aux élèves
d'étudier la Bible, l'histoire et la géographie du christianisme
et des autres religions pour comprendre les informations religieuses qu'ils
reçoivent par ailleurs.
LA CURIOSITE ETHIQUE ET EXISTENTIELLE DES JEUNES
Les aventures éthiques et les spéculations
existentielles fascinent les enfants et surtout les adolescents. Ils ont
donc un intérêt a priori pour ces questions, ce qui explique
à la fois le succès dureligieux informel et la bonne image
de marque des actions caritatives. L'adolescent a soif de sens. Ici l'enseignement
religieux doit lui permettre de confronter son éthique bricolée
au hasard de sa biographie à celle des autres dans un cadre structuré.
TENIR COMPTE DES REPRESENTATIONS DES APPRENANTS
Les remarques qui précèdent
montrent que l'élève arrive au cours d'enseignement religieux
avec énormément de présupposés. Il a déjà
la tête pleine de concepts qui concernent les questions religieuses.
Ces concepts ne sont pas obligatoirement des prérequis bibliques
et chrétiens sur lesquels s'appuyer pour construire un programme.
La culture chrétienne acquise en dehors du cours peut être
inexistante, entièrement fantaisiste, ou au contraire déjà
relativement importante. Pour éviter que des élèves
soient mis en échec, il ne faut donc pas se baser sur des connaissances
qu'ils
auraient éventuellement pu acquérir.
Ce qui implique par exemple, qu'un élève de cinquième
pourra participer aux activités du cours d'enseignement religieux
sans avoir suivi celui de sixième (ou sans avoir retenu ce qui s'y
est fait). Le programme s'élaborera donc en fonction du religieux
ambiant et du manque de références chrétiennes dans
la pensée quotidienne des apprenants. L'objet principal du cours
n'est donc plus de remplir une tête vide mais de faire évoluer
une tête pleine.
Ce texte a été
rédigé par Dolorès CAPON, Claude DEMISSY, Gérard
JANUS et Marc SHERMINGMAM du service de la catéchèse des
Eglises protestantes d'Alsace Lorraine. Les directions de ces églises
préparent en effet un texte de référence sur l'enseignement
religieux à l'école publique. Le moment venu, le document
sera disponiblesur notre site.